L'Épochè
L’épochè (du grec ancien epokhē, signifiant “arrêt”, “interruption”, “cessation”) est un concept philosophique central qui désigne la suspension du jugement.
Ce terme a connu des interprétations et des applications diverses au cours de l’histoire de la philosophie :
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Dans le scepticisme antique (notamment chez Pyrrhon et les Pyrrhoniens) : L’épochè est le fait de s’abstenir de toute affirmation ou négation concernant la vérité ou la fausseté des choses. L’objectif est d’atteindre l’ataraxie (absence de troubles de l’âme, tranquillité d’esprit), car en suspendant son jugement sur des questions indécidables, on se libère de l’agitation causée par la recherche de certitudes absolues.
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Dans le stoïcisme : Bien que le terme soit d’origine sceptique, il est repris par les stoïciens pour désigner le refus d’accorder son assentiment (sunkatathesis) de manière précipitée aux représentations (phantasia) qui se présentent à l’esprit. Le sage stoïcien ne doit pas se laisser emporter par les premières impressions, mais examiner si elles sont conformes à la raison avant d’y adhérer.
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Dans la phénoménologie (notamment chez Edmund Husserl) : Husserl reprend l’épochè sous le nom de “réduction phénoménologique” ou “mise entre parenthèses”. Il s’agit d’une méthode d’analyse philosophique qui consiste à suspendre tout jugement sur l’existence ou la réalité du monde extérieur et de nos croyances habituelles. L’objectif n’est pas de douter de l’existence du monde (comme le doute cartésien), mais de “mettre en suspens” nos présuppositions pour pouvoir examiner les phénomènes tels qu’ils se donnent à la conscience, dans leur pure présence, et ainsi accéder à la “conscience pure” et à ses vécus.
En résumé, l’épochè est un principe fondamental qui, sous différentes formes, invite à une démarche de retenue intellectuelle, que ce soit pour atteindre la paix de l’esprit (scepticisme), pour agir avec discernement (stoïcisme) ou pour mener une analyse rigoureuse des phénomènes de conscience (phénoménologie).